COVID 19 : PAIEMENT DES LOYERS DES ENTREPRISES

L’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 prise en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid 19 a créé la surprise en matière de paiement des loyers.

En effet, suite aux annonces faites par le Président de la République sur les dispositifs d’aide aux entreprises pour faire face à la crise sanitaire liée au covid 19, les entreprises attendaient des mesures tout aussi fortes que les mesures de report des charges fiscales et sociales et des échéances bancaires et beaucoup avait anticipé en se rapprochant de leur bailleur pour trouver un accord sur le report ou l’échelonnement des loyers pour les mois à venir. Certains bailleurs avaient d’ores et déjà accédé à la demande de leur preneur, d’autres réservaient leur réponse dans l’attente de l’ordonnance devant acter du dispositif concernant les loyers commerciaux et professionnels.

Le dispositif retenu par le gouvernement est très en dessous des attentes des entreprises et des annonces qui  avaient été faites à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid 19.

1/ des bénéficiaires en nombre restreint :

Le dispositif ne s’applique plus :

– qu’aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité  Covid 19 (dont les conditions d’éligibilité seront confirmées par un prochain décret à paraître) :

  • Entreprises existantes au 1er février 2020 et n’ayant pas fait l’objet d’une déclaration de cessation des paiements au 1er mars 2020
  • Moins de 1 000 000 € HT de chiffre d’affaires annuel
  • Moins de 60 000 € de bénéfice annuel imposable
  • Moins de 10 salariés
  • Avoir fait l’objet d’une fermeture administrative suite à l’interdiction d’accueillir du public ou avoir constaté une perte de plus de 70% de son chiffre d’affaires sur mars par rapport à mars 2019 ou par rapport à son chiffre mensuel moyen entre la date de création et le 1er mars 2020 (ce dispositif sera certainement reconduit sur le mois d’avril si perte supérieure à 50% constatée sur le mois d’avril)

-ainsi qu’à celles qui  poursuivent leur activité dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire peuvent également bénéficier de ces dispositions au vu de la communication d’une attestation de l’un des mandataires de justice désignés par le jugement qui a ouvert cette procédure.

2/ Les modalités : plus de report ou d’échelonnement

Le texte retenu par le gouvernement ne permet plus au locataire de reporter, d’échelonner ou même de suspendre le paiement de ses  loyers et charges. S’il rencontre des difficultés dans le règlement de ses loyers, à tout le moins il sera susceptible de ne pas avoir à subir de sanctions pour non-paiement de ses loyers et charges.

Les personnes éligibles au fonds de solidarité ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce.

Les dispositions ci-dessus s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée.

Les loyers et charges des entreprises relatifs à leurs locaux commerciaux et professionnels restent donc dus  pendant cette période de pandémie Covid 19 et au-delà de cette période et tout défaut de paiement pourrait donner lieu à des actions en paiement.

Pour éviter tout contentieux à venir avec leur bailleur suite à des difficultés de règlement, il est conseillé aux entreprises de se rapprocher de ce dernier pour trouver des modalités a minima de report ou d’échelonnement des loyers sur les six prochains mois selon les mêmes modalités instaurées pour les factures d’eau et d’énergie.

Tous les bailleurs ne pourront peut-être pas être au rendez-vous de la solidarité avec leur locataire si la non perception de loyers et de charges les met également de leur côté dans une situation financière difficile.

Nous ne pouvons que vous conseiller, côté bailleur et côté preneur, de faire jouer la solidarité et le bon sens et de trouver des solutions pragmatiques qui protègent les intérêts de tous.

En tout état de cause, si un accord intervient entre bailleur et locataire sur un aménagement du règlement des loyers et des charges pour la période entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée, il est conseillé de l’acter dans un avenant transactionnel au bail.

Véronique GUILLAUD

Avocat